Le sparadrap du Capitaine Haddock

C’est le postulat et la croyance du coach qui soutiennent le travail collaboratif avec un client pour « externaliser » la relation nouée avec des histoires de problèmes qui lui collent à la peau. « Je suis nul.le » « je ne serai jamais à la hauteur »…

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Ecouter et recueillir son histoire : "extrait"

 

Imagine simplement un bled entre Sainte-Maxime et la Foux perdu au milieu des collines sauvages, la mer scintillante en contrebas, des remparts de canisses pour s’abriter d’une brise entêtante. Imagine la gare lézardée sur 2 niveaux et en arrière-plan, façon terrain vague, les rails de chemin de fer tout envahis d’herbes folles, le Train des Pignes n’y circulant plus. Quelques rares maisons sont éloignées les unes des autres, Brigitte Bardot n’a pas encore enflammé St-Trop ! Sur la plage, une paillotte, celle des gardes-barrières, tout à la fois bar et restaurant de fortune. C’est d’ailleurs là que maman a appris à cuisiner sa fameuse bouillabaisse.

Nous vivions donc dans cette caravane, sans électricité ni eau courante. L’eau potable, c’était notre corvée de gamines que d’aller la chercher là-haut, sur la place de l’église en remplissant des gourdes à la source. Nous les enfants avions rejoint les bandes de garnements qui chapardaient dans les vergers voisins sous l’œil mi courroucé mi goguenard des cultivateurs. Quand parfois, ils interpellaient les parents au bistrot « dis à tes filles qu’elles essaient au moins de ne pas casser les branches », c’est tout un village qui nous élevait. Même la propriétaire de la belle villa fermait les yeux quand je volais les roses de ses plates-bandes, pour les offrir à maman. Maman, entre plaisir et remord, le sourire aux yeux, bafouillait presque « enfin, c’est gentil ma chérie mais ce n’est pas bien, ne recommence pas ». Moi, je recommençais évidemment, consciente de la bienveillance de cette communauté essentielle à notre écosystème. Parfois, quand il faisait faim, c’est cette communauté qui veillait encore sur nous et si maman crevait de honte en allant voir le curé, nous ne portions pas ce poids, nous nous sentions protégées.

Ce que nous redoutions plus que tout, c’était les incendies qui ravageaient chaque année la Côte et descendaient comme des dragons fous, cramant tout sur leur passage. Lutter était illusoire. Les enfants avaient ordre de filer rejoindre des radeaux amarrés pour ces circonstances tandis que les adultes se regroupaient et tentaient ce qu’ils pouvaient. Mon père déplaçait la caravane, trouvait une pente jusqu’à la plage. Le feu m’effrayait mais papa n’avait peur de rien. Il déplaçait la maison comme il déplaçait les pierres. Il était un héros invincible.

Quand l’incendie s’arrêtait, la vie reprenait son rythme, les gosses rejouaient leur guerre des boutons, un peu plus loin, sans plus se soucier de demain.